L'Acacia

L'Acacia

Claude Simon

Language: French

Pages: 221

ISBN: 2707318515

Format: PDF / Kindle (mobi) / ePub


« En refermant L'Acacia, le lecteur a la sensation d'avoir personnellement chevauché dans les clairières de l'Est en 1940, les yeux brûlés d'insomnie ; d'avoir reçu une balle en 1914 au coin d'un bois, tel un parfait poilu de L'Illustration ; mais aussi d'avoir servi aux Colonies avant 14 ; d'avoir hanté les villes d'eaux de la Belle Époque ; d'avoir ouvert un télégramme avec des sanglots de veuve dans la gorge ; d'avoir visionné des bribes d'"Actualités" d'avant l'autre guerre, sépia, tressautantes et muettes ; d'avoir remué ces réminiscences dans un claque miteux ; d'avoir senti monter la folie des deux dernières guerres du fond des trains à bestiaux de toute l'Europe ; et de chercher à couler tout cela dans le présent immédiat de l'écriture, devant une branche d'acacia vert cru... » (Bertrand Poirot-Delpech, Le Monde)

L'Acacia est paru en 1989.

Disconnection

Les Eaux territoriales

Une rose au paradis

Germinal

Crosscut Universe: Writing on Writing from France

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

d’Asie et d’Afrique), moustachus, boudinés dans des uniformes de théâtre et couverts de dorures. Au-dessus du groupe des cavaliers, le soldat de bronze continuait à élever vers le ciel son épée, impassible sous la pluie, la bouche ouverte, poussant son cri de bronze, figé, avec son bicorne et sa redingote de bronze, dans une attitude d’élan, d’enthousiasme et d’immortalité. Le vent qui continuait à faire claquer les drapeaux agitait par saccades un petit arbre isolé, poussé là sans raison (ou

épaules que la couturière dévoilait dans des encorbellements et des bouillonnements de soie ou de tulle. Le mari de sa sœur aînée avait acheté l’une des premières automobiles que l’on avait vues en ville, haute sur pattes, peinte en jaune, ornée de cuivres étincelants, semblable, avec ses phares, à quelque énorme insecte, et les journaliers qui travaillaient dans les vignes, courbés sur les souches, le dos tourné au vent, les cols de leurs paletots rapiécés relevés, se redressaient pour regarder

rayonnante, ou plutôt défaillante, s’appuyant sur ce bras qu’elle avait enfin le droit de serrer aux yeux de tous, lui très grand, robuste, avec ce visage qui commençait à s’user, porter la trace des climats qu’il avait endurés, sa barbe bien taillée, son tranquille regard de faïence, dominant de la tête le groupe des cousins et amis en habit et cravate blanche qui les entourait)... enfin, donc, ce fut elle qui à son tour les envoya, elle qui n’avait jamais été beaucoup plus loin que Barcelone,

sombre agrégat sur le quai de la gare miniature perdu au milieu de l’océan des vignes dans l’éblouissante lumière d’août, aspiré en arrière, s’éloignant, rapetissant encore, puis, à son tour, comme un peu plus tôt la verrière béante, la fille en rouge hurlant, les dernières maisons de la ville, disparaissant. À partir d’un moment, dans les gares d’une certaine importance abritées de nouveau de verrières, aux quais débordants de foules compactes d’où s’élevait (ou plutôt au-dessus desquelles

le fixaient avec une sorte de fureur, de reproche et de vindicative méchanceté. Peu après le train civil et le convoi militaire démarrèrent presque simultanément en sens contraire. Bientôt la nuit ne tarda pas à tomber et avec elle, quoiqu’on ne fût qu’au début de septembre, une soudaine fraîcheur, comme s’il avait éclaté un orage quelque part. Dans le wagon l’excitation avait fait place à un silence morne et l’un après l’autre ceux qui s’étaient tenus toute la journée à la porte, les jambes

Download sample

Download

About admin